
JavaScript est un langage de programmation et une technologie de base du web, aux côtés de HTML et CSS. 99 % des sites web utilisent JavaScript côté client pour le comportement des pages web. Les navigateurs Web disposent d'un moteur JavaScript dédié qui exécute le code client. Ces moteurs sont également utilisés dans certains serveurs et diverses applications. "JavaScript" est également une marque commerciale d'Oracle Corporation aux États-Unis. La marque a été initialement délivrée à Sun Microsystems le 6 mai 1997, et a été transférée à Oracle lors de l'acquisition de Sun en 2009.
Dans une lettre ouverte à Oracle, Ryan Dahl, le créateur de Node.js et Deno, implorait l'entreprise de publier la marque JavaScript dans le domaine public. Il déclarait : "La marque n'a aucune valeur commerciale. Oracle n'a aucun produit utilisant la marque... Oracle ne participe même pas au développement d'aucun des moteurs JavaScript... Néanmoins, la marque est un nuage sombre qui plane sur le langage de programmation le plus populaire au monde. Des ingénieurs attentifs et respectueux des lois se mettent en quatre pour éviter son utilisation... Oracle, veuillez libérer la marque JavaScript."
Il est clair que la question se pose : Oracle peut-il s'opposer à l'utilisation du terme JavaScript par des tiers ? Durant une affaire sur la question, le créateur du langage JavaScript, Brendan Eich, avait déjà exprimé son avis sur la question. Il reconnaît qu'Oracle est bien propriétaire de ladite marque déposée. Toutefois, il est de ceux qui soutiennent que la marque déposée JavaScript n'est pas défendable. Et pour cause, la fondation Mozilla dispose d'un accord avec Sun pour l'usage de ce terme qui met à mal les revendications d'Oracle. Pour rappel, cet accord de la fondation Mozilla intervient avant le rachat de Sun par Oracle.
Récemment, la communauté JavaScript vient de publier une lettre de pétition adressée à Oracle. La lettre demande à l'entreprise de libérer la marque JavaScript. La loi confirme qu'une marque est abandonnée si elle n'est pas utilisée ou si elle devient un terme générique. Selon les auteurs, ces deux cas de figure s'appliqueraient à JavaScript, montrant qu'Oracle a "depuis longtemps abandonné la marque JavaScript". Si Oracle décide de faire silence, les auteurs annoncent qu'ils contesteront la marque en déposant une demande d'annulation auprès de l'USPTO.
Voici la lettre de pétition intitulée : "Oracle, il est temps de libérer JavaScript."
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Cher Oracle,
Vous avez depuis longtemps abandonné la marque JavaScript, ce qui provoque une confusion et une perturbation généralisées et injustifiées.
JavaScript est le langage de programmation le plus populaire au monde, alimentant des sites web partout dans le monde. Pourtant, parmi les millions de personnes qui programment en JavaScript, peu réalisent qu'il s'agit d'une marque déposée que vous, Oracle, contrôlez. Le décalage est flagrant : JavaScript est devenu un terme à usage général utilisé par d'innombrables personnes et entreprises, indépendamment de tout produit Oracle.
La mainmise d'Oracle sur la marque JavaScript correspond clairement à la définition juridique de l'abandon de marque. Un précédent billet de blog a abordé cette question, vous demandant, à vous, Oracle, de libérer la marque. Sans surprise, cette demande a été accueillie par le silence. Il est donc temps de prendre des mesures actives afin de faire entrer la marque JavaScript dans le domaine public, là où elle doit être.
Abandon de la marque
Le titre 15 du code des États-Unis, section 1127, stipule ce qui suit :
Une marque est considérée comme « abandonnée » si l'un des cas suivants se produit :
- Lorsque son usage a été interrompu avec l'intention de ne pas reprendre cet usage. L'intention de ne pas reprendre peut être déduite des circonstances. Le non-usage pendant trois années consécutives constitue un commencement de preuve de l'abandon. On entend par « usage » d'une marque l'usage de bonne foi qui en est fait au cours d'opérations commerciales normales et qui n'est pas fait simplement pour réserver un droit sur la marque.
- Lorsque le comportement du titulaire, y compris les actes d'omission et de commission, fait que la marque devient le nom générique des produits ou services sur lesquels ou en relation avec lesquels elle est utilisée ou qu'elle perd de toute autre manière sa signification en tant que marque. La motivation de l'acheteur n'est pas un critère pour déterminer l'abandon en vertu du présent paragraphe.
Netscape, Sun, Oracle
La marque JavaScript est actuellement détenue par Oracle America, Inc. (numéro de série américain : 75026640, numéro d'enregistrement américain : 2416017). Comment en est-on arrivé là ?
En 1995, Netscape s'est associé à Sun Microsystems pour créer des sites web interactifs. Brendan Eich a passé 10 jours à créer la première version de JavaScript, un langage de programmation dynamique dont la syntaxe s'inspire grossièrement du langage Java de Sun. À la suite de ce partenariat, Sun a détenu la marque JavaScript. En 2009, Oracle a racheté Sun Microsystems et donc la marque JavaScript.
La marque n'est qu'une relique de cette acquisition. Ni Sun ni Oracle n'ont jamais construit de produit utilisant la marque. Le personnel juridique, année après année, a renouvelé la marque sans poser de questions. Il est probable que seuls quelques membres d'Oracle savent qu'ils possèdent la marque JavaScript, et même s'ils le savent, ils ne comprennent probablement pas la frustration qu'elle provoque au sein de la communauté des développeurs.
L'utiliser ou la perdre
Oracle a abandonné la marque JavaScript pour cause de non-utilisation.
Oracle n'a jamais proposé sérieusement un produit appelé JavaScript. Dans les années 1990 et au début des années 2000, Netscape Navigator, qui prenait en charge JavaScript en tant que fonction du navigateur, était un acteur clé. Cependant, l'utilisation et l'influence de Netscape se sont estompées à partir de 2003, et le navigateur a connu sa dernière version en 2008. JavaScript, quant à lui, est devenu un langage de programmation indépendant et largement utilisé, intégré dans de nombreux navigateurs et totalement indépendant d'Oracle.
Le spécimen le plus récent, déposé auprès de l'USPTO en 2019, fait référence à nodejs.org (un projet créé par Ryan Dahl, l'auteur de cette lettre) et au JavaScript Extension Toolkit (JET) d'Oracle. Mais Node.js n'est pas un produit Oracle, et JET n'est qu'un ensemble de bibliothèques JavaScript pour les services Oracle, en particulier Oracle Cloud. Il existe des millions de bibliothèques JavaScript ; JET n'a rien de spécial.
(Oracle n'est même pas membre de l'OpenJS Foundation, l'organisme qui chapeaute actuellement le projet Node.js. Oracle n'est pas non plus impliqué dans le développement de Node.js).
Oracle propose également GraalVM, une JVM capable d'exécuter JavaScript, entre autres langages. Mais GraalVM est loin d'être une implémentation canonique de JavaScript ; des moteurs comme V8, JavaScriptCore et SpiderMonkey jouent ce rôle. La page produit de GraalVM ne mentionne même pas « JavaScript » ; il faut fouiller dans la documentation pour trouver son support.
L'utilisation de JavaScript par Oracle dans GraalVM et JET ne reflète pas une utilisation authentique de la marque. Ces liens ténus ne satisfont pas à l'exigence d'un usage constant et réel dans le commerce.
Un terme générique
Une marque peut également être considérée comme abandonnée si elle devient un terme générique.
En 1996, Netscape a annoncé une réunion de l'organisation internationale de normalisation ECMA pour normaliser le langage de programmation JavaScript. Sun (aujourd'hui Oracle) a cependant refusé d'abandonner la marque « JavaScript » pour cette utilisation, et il a donc été décidé que le langage s'appellerait plutôt « ECMAScript » (Microsoft a volontiers proposé « JScript », mais personne d'autre n'en a voulu). (Brendan Eich, le créateur de JavaScript et cosignataire de cette lettre, a écrit en 2006 que « ECMAScript a toujours été un nom commercial indésirable qui ressemble à une maladie de peau ».
Ecma International a formé le TC39, un comité de pilotage technique, qui publie l'ECMA-262, la spécification de JavaScript. Ce comité comprend des participants de tous les principaux navigateurs, tels que Chrome de Google, Safari d'Apple et Firefox de Mozilla, ainsi que des représentants des moteurs d'exécution JavaScript côté serveur, tels que Node.js et Deno.
La propriété d'Oracle sur la marque JavaScript ne fait que semer la confusion. Le terme « JavaScript » est utilisé librement par des millions de développeurs, d'entreprises et d'organisations dans le monde entier, sans aucune interférence de la part d'Oracle. Oracle n'a rien fait pour faire valoir ses droits sur le nom JavaScript, probablement...
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